Je suis misandre.

Publié le 28 Septembre 2018

A une époque, j’étais misandre*. Sans m’en rendre compte.

C’était au collège. J’ai rapidement remarqué que lorsqu’un garçon était seul avec moi, il était adorable. Lorsque je le retrouvais face à son groupe de copains, ils étaient tous insultants. Ils nous chantaient, à moi et à mes propres amies, des politesses du style « Ah la salope, va laver ton cul malpropre ». (Je n’ai entendu cela qu’une ou deux fois, mais ça m’a tellement choquée que j’en garde un souvenir vif, jusqu’au son de ces voix en mue.) Mais si je me trouvais à nouveau isolée avec l’un d’eux le lendemain, il était à nouveau très gentil. Autant vous dire que je ris jaune quand j’entends quelqu’un.e se plaindre que « les filles sont plus compliquées que les garçons »…

D’où ma misandrie de l’époque : puisque les trois quarts des garçons qui m’entouraient à cette époque étaient vulgaires, ils ne pouvaient qu’être, tous, des obsédés sexuels pervers et dégoûtants. « C’est vraiment avec ces êtres répugnants que Dame Société souhaite que je me reproduise plus tard ? » pensais-je avec désarroi.

Il n’y en avait que deux ou trois qui sortaient du lot : il existait parmi mes proches des individus masculins respectueux. Ils ne s’en rendaient pas compte (d’autant moins que le collège est un milieu ô combien conformiste, donc ô combien viriliste**), mais ils constituaient à mes yeux de véritables miracles en chair et en os. Alors très vite, je ressentais une attirance amoureuse pour eux. Aujourd’hui, je trouve juste ça normal.

J’ai eu envie d’écrire cet article suite à la vidéo de la chaîne Solange Te Parle intitulée « Je suis misogyne*** ». Solange y raconte qu’au contraire de moi, elle a longtemps ressentit un mépris pour ce que l’on considère comme féminin. Sa vidéo fait réfléchir, et m’a notamment remémoré l’affaire du harcèlement subi par Marion Séclin : un vidéaste a violemment critiqué l’un des contenus YouTube de la comédienne. Une autre figure du célèbre réseau social, Bruce de « e-penser », l’a soutenue sur Twitter. En lisant les commentaires sous le post, on tombe très rapidement sur des messages tels que « Marion Séclin est une extrémiste qui veut dominer les hommes » et blabla-conneries-blabla.

Ce qui m’inspire la réflexion suivante, spécialement destinée à ces individus qui s’indignent des actions des féministes, jugeant « qu’elles en font trop, elles sont agressives, bandes d’hystériques, nous on est de pauvres petits garçons gentils mignons, on veut juste votre 06, blabla-conneries-blabla » : est-ce que c’est vraiment si difficile que ça de vous mettre dans la peau d’une femme pendant deux secondes ? Une femme qui marche dans la rue juste parce qu’elle fait sa vie, qui pense probablement à la destination où elle se rend et à ce qu’elle doit y faire, et qui n’a pas forcément envie qu’on l’arrête pour obtenir son numéro de portable. Franchement, je veux bien comprendre que oui, c’est difficile pour vous parce que vous les mecs, vous ne vous faites pas harceler dans la rue. Soyons honnêtes : si vous saviez à quel point c’est chiant et même flippant, les inconnus qui « complimentent » ou qui demandent des numéros de portable, vous ne le feriez pas. Je vous jure. Comme dit Marion Séclin, vous partez peut-être d’une bonne intention, mais peut-être aussi que vous êtes le dixième de la journée à aborder cette fille en particulier.

Oui, cessez d’essayer de nous faire gober qu’arrêter une femme dans la rue est un moyen potentiel de rencontrer l’amour de votre vie : en général, quand un.e inconnu.e nous plaît, on est attiré.e par son apparence. Vous avez vraiment envie d’épouser une apparence et de lui faire des enfants ? Je ne crois pas. Dans une relation sérieuse, en général, on prend le temps de se connaître. Et d’ailleurs, si vous êtes tellement persuadés que la femme sur le trottoir d’en face va changer votre vie, rappelez-vous d’abord du nombre de couples autour de vous qui se sont formés parce que l’homme a stoppé sa copine en pleine rue pour lui dire « Mademoiselle, vous êtes charmante, puis-je avoir votre numéro de téléphone ? » Ça devrait vous faire réfléchir.

Enfin, avant de râler sur ces femmes qui ont peur, qui se méfient, qui vous envoient bouler, demandez-vous pourquoi elles le font. Peut-être qu’elles ont été manipulées, harcelées, agressées, violées, dans les pires des cas. Ou peut-être que plus simplement, elles ont croisé des garçons qui n’ont pas appris à respecter les femmes et qui le leur ont bien fait comprendre dans leur jeunesse. Peut-être même que vous en faisiez partie… et que vous n’avez pas changé. Peut-être que vous êtes juste impoli et lourd. Alors avant de remettre les femmes en question, réfléchissez à votre propre attitude.

__________________________________________________________________________

Quelques petites définitions...

*Misandrie : Qui témoigne du mépris, voire de la haine, pour le sexe masculin ; qui témoigne de ce mépris. (Larousse)

**Virilisme : Qui a les caractéristiques culturellement attribuées à l'homme adulte (rigueur, force, énergie morale, intellectuelle et physique). (CNRTL)

***Qui témoigne du mépris, voire de la haine, pour les femmes ; qui témoigne de ce mépris. (Larousse)

Rédigé par Cheschire

Publié dans #Féminisme, #Vidéos

Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article